Les dangers de la... perruque

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   dernière connection le : 2018-07-09 14:59:28
Dans ses fameux Mémoires, Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon, a comme on sait la plume perfide. Il rapporte ici une anecdote à propos de la marquise de Charlus, anecdote qui m'a fait hurler de rire, j'avoue. La mode peut être dangereuse tout de même...
 

 

On jouait à Paris les soirs gros jeu au lansquenet chez Mme la princesse de Conti, fille de M. le Prince. Mme de Charlus y soupait un vendredi, entre deux reprises, avec assez de monde. Elle n’y était pas mieux mise qu’ailleurs, et on portait en ce temps-là des coiffures qu’on appelait des commodes, qui ne s’attachaient point et qui se mettaient et ôtaient comme les hommes mettent et ôtent une perruque et un bonnet de nuit, et la mode était que toutes les coiffures de femmes étaient fort hautes.
 
Mme de Charlus était auprès de l’archevêque de Reims, Le Tellier. Elle prit un oeuf à la coque qu’elle ouvrit, et, en s’avançant après pour prendre du sel, mit sa coiffure en feu, d’une bougie voisine, sans s’en apercevoir. L’archevêque, qui la vit tout en feu, se jeta à sa coiffure et la jeta par terre. Mme de Charlus, dans la surprise et l’indignation de se voir ainsi décoiffée sans savoir pourquoi, jeta son oeuf au visage de l’archevêque, qui lui découla partout. Il ne fit qu’en rire, et toute la compagnie fut aux éclats de la tête grise, sale et chenue de Mme de Charlus et de l’omelette de l’archevêque, surtout de la furie et des injures de Mme de Charlus qui croyait qu’il lui avait fait un affront et qui fut du temps sans vouloir en entendre la cause, et après de se trouver ainsi pelée devant tout le monde. La coiffure était brûlée, Mme la princesse de Conti lui en fit donner une, mais avant qu’elle l’eût sur la tête on eut tout le temps d’en contempler les charmes et elle de rognonner toujours en furie.